Alain Nyamitwe, Ministre des affaires étrangères du Burundi : Mettez fin à la dérive ethnique de votre diplomatie!

Monsieur le Ministre,

Par la présente, nous souhaitons attirer votre attention sur la montée inquiétante d'un extrémisme abject dans votre Ministère. Cet extrémisme est rendu manifeste par les propos et le comportement de certains de nos ambassadeurs et par la composition du corps diplomatique qui devient mono-ethnique au fil des nominations. Il est urgent que ce mal soit éradiqué. Nous vous demandons une action correctrice conforme à l’unité nationale, aux accords d’Arusha et à la hauteur de votre réputation d’impartialité et d’objectivité.

Depuis quelques temps, certains de nos ambassadeurs, dont ceux en poste à New-York, Addis-Abeba et Moscou, se comportent en hérauts de l’extrémisme et tiennent des propos aux relents de haine ethnique, désignant les Tutsi comme source des maux que connaît le Burundi.

Ces diplomates tribalistes et par extension notre pays sont devenus la risée de leurs homologues d’autres pays qui ne comprennent pas les propos et le comportement d’un autre temps de la part de leurs homologues burundais. En effet, certains de leurs interlocuteurs ont fait de l'inclusivité leur cheval de bataille et d'autres ont plus d'une centaine d'ethnies dans leur pays respectifs. En outre, tous connaissent le Burundi et aucun d’eux n’ignore que les deux ethnies sont représentées aussi bien dans les institutions que dans l'opposition.

Il est triste pour le Burundi que des Ambassadeurs se dissimulent derrière plusieurs comptes anonymes sur les réseaux sociaux afin de déverser leur venin ethnique en toute impunité. Notre Ambassadeur à New York est passé maître dans l'art de ces petits jeux malsains et indignes de son rang (*) . Quant à notre Ambassadeur à Addis Abeba, Il dénonce ce qui est pour lui une “présence excessive” de Tutsi dans la commission de l’UA. Pourtant, aucun des Tutsi qui y travaillent n’a été envoyé par le Burundi. Ils y travaillent en tant qu’africains et ont été embauchés sur leurs mérites. Quand un burundais remporte une médaille d’or dans une compétition internationale d’athlétisme, on ne demande pas son ethnie avant de le féliciter !

Vu le contexte actuel, où il suffirait d'une étincelle pour mettre le feu aux poudres et aggraver une situation qui l'est déjà bien assez, nous pensons qu’il est impératif que le pouvoir législatif s'adapte rapidement et pénalise de façon exemplaire tout diplomate incitant à la haine ethnique, que ce soit dans les médias du pays où il est accrédité, sur les réseaux sociaux ou même une conversation. Concernant l'ethnisme, la tolérance zéro doit être la règle. Il serait regrettable que notre diplomatie gagne la réputation de marchande de haine, profitant de l’anonymat des réseaux sociaux pour faire leur commerce à grande échelle au lieu de promouvoir l’Unité Nationale.

Quant à la composition du corps diplomatique, nous constatons l’absence totale de nominations d’Ambassadeurs Tutsi depuis quelques temps. Nous observons des délégations burundaises à l’étranger presque toutes mono-ethniques et certains de nos ambassades sont quasiment mono-ethnique.

Votre prédécesseur, un homme sage et patriote, veillait à ce que les équilibres ethniques, de genre et de régions soient respectés. Il avait compris que réitérer les discriminations des régimes passés engendrerait nécessairement les mêmes tourments pour le peuple burundais. Nous vous invitons à suivre son exemple.

Les régimes militaires depuis l'indépendance ont fait beaucoup de tort au pays en discriminant les Burundais de l'ethnie Hutu. Nous vous implorons de ne pas répéter les erreurs dont nul n’ignore les conséquences dramatiques. Si de telles dérives continuent, nous serions en droit de nous demander si cela n'émane pas d'une politique du gouvernement en place. Cela serait contraire au discours actuel du Président de la République S.E Pierre Nkurunziza qui nous rappelle souvent que nous devons défendre l'Unité des Barundi. En fin de compte, les plus grands ennemis du President sont les extrémistes de tous bords.

Nous vous rappelons, Monsieur le Ministre, que le renforcement de la démocratie, y compris la promotion de la primauté du droit, sont essentiels pour le retour et la préservation de la stabilité et de la paix au Burundi.

Le peuple burundais n'a que trop souffert à cause de ce genre de dérives. Nous vous exhortons à ne ménager aucun effort pour éviter une recrudescence de mentalités obsolètes qui ont mené le pays dans un gouffre dont nous avons peine à sortir.

(*) http://www.innercitypress.com/burundi354banthirdterm062216.html