Un nouveau souffle pour l'enseignement européen!

Nous, citoyens européens, estimons que les inégalités sociales sont une bombe à retardement qui menace notre société [1]&colon comme nous le rappelle douloureusement l’actualité, une jeunesse non éduquée, abandonnée à un avenir sans espoir dans une seule ville d'Europe, en soit&dashelle la capitale [2], représente un danger pour le continent tout entier.

La scolarité, depuis la prématernelle jusqu'à l'enseignement supérieur, nous parait la manière la plus constructive de lutter contre ces inégalités sociales, l’enseignement devant permettre à tout jeune qui le souhaite de donner un sens positif, ambitieux et constructif à sa vie, et ce quelle que soit son origine socio&dashéconomique. Malheureusement, force est de constater que dans de nombreux pays européens, l’enseignement ne remplit toujours pas, ou pas assez, ce rôle de promotion sociale, malgré le diagnostic clair de ce problème depuis de nombreuses années et la démonstration qu’il en existe des solutions politiques réalistes [3].

Il nous parait donc indispensable et urgent que l’Union Européenne fasse pression sur les États membres pour que la qualité de l'enseignement s’améliore au sein de notre continent, en particulier en ce qui concerne l’égalité des chances des élèves. L’Union renouerait ainsi avec l’idéalisme qui a marqué sa création et ferait un pas crucial dans la construction de cette Europe sociale et humaniste dont l'absence se fait si cruellement sentir.

Cette pression pourrait s’exercer par l’intermédiaire d’une agence de qualité de l’enseignement européen, organisme public dont le rôle serait d’inciter les États membres à sans cesse remettre en question et améliorer leurs systèmes d’enseignement. Cette agence n’aurait pas pour vocation de se substituer aux nations ou aux régions pour l’organisation de l’enseignement proprement dite. En revanche, elle pourrait stimuler l'échange de bonnes pratiques par la mise sur pied d’une plateforme de partage et de traduction d’outils didactiques d’excellence, par l’organisation de la mobilité de tous les acteurs de l’enseignement au sein de l’Union européenne, par la définition de socles de compétences minimales des élèves et la mise à disposition d’outils d’évaluation de celles&dashci, etc.

En outre, cette agence jouerait un rôle de contrôle permanent des États membres, voire de tutelle temporaire en cas de manquements manifestes et répétés. Elle définirait pour ce faire des normes de qualité minimale pour les systèmes éducatifs européens. Ces normes, sans prétendre garantir la qualité de l’enseignement, en fourniraient un cadre minimum, basé sur un petit nombre de critères simples, aisément objectivables et de bon sens, régulièrement mis en évidence par différentes études [3].

À titre d'exemple, citons les critères suivants, qui ont pour la plupart fait leurs preuves dans les systèmes éducatifs les plus performants en termes d'équité sociale, d'épanouissement et de motivation des élèves, de leurs compétences terminales et de leur facilité d'accès au monde professionnel&colon

• un nombre maximal d’élèves par adulte (typiquement 4 en maternelle et en primaire, 8 en secondaire...) permettant l’utilisation de pédagogies adaptées au rythme et aux besoins de chaque élève;
• un suivi individualisé et précoce de chaque élève éprouvant des difficultés, impliquant les parents qui le souhaitent et au besoin des professionnels (psychologues, logopèdes...) disponibles dans chaque école;
• une formation obligatoire et commune pour tous les élèves depuis la maternelle et jusqu'à un âge minimal (typiquement 15 ans), formation basée sur un équilibre entre les compétences intellectuelles, techniques, sociétales, artistiques, sportives... privilégiant tant la rigueur et le travail que la créativité, l’esprit critique et l’autonomie;
• un apprentissage des langues précoce basé sur des cours d'immersion dès la maternelle et sur des programmes EMILE (enseignement d'une matière intégré à une langue étrangère) par des professeurs enseignant dans leur langue maternelle ou par des experts spécialement formés;
• une ouverture générale sur le monde extérieur et sur les autres cultures, en particulier à travers des sorties, des rencontres, des échanges et des voyages;
• un accompagnement dans la société de l’information, qui en exploite les avantages mais qui en démonte les mécanismes problématiques;
• la triple liberté&colon des parents quant au choix de l’école de leurs enfants, des directions d’écoles quant au choix de leurs professeurs, des professeurs quant à leurs choix pédagogiques;
• une politique qualité généralisée basée sur une évaluation constructive et à 360 degrés de tous les acteurs (professeurs, directeurs, inspecteurs, administratifs…);
• un nombre minimal de 5 années d'études supérieures pour les professeurs, quel que soit le niveau d'enseignement visé, et un salaire adapté en conséquence;
• une gratuité totale et réelle de l'enseignement;
• une haute qualité des infrastructures et du matériel scolaires.

Pour en savoir plus&colon

[1] Analyse de l’impact sociétal des inégalités&colon projet européen GINI http&colon//gini&dashresearch.org/, conférence TED de Richard Wilkinson https&colon//www.ted.com/talks/richard_wilkinson&questlanguage&equalsfr

[2] Documentaire montrant le ressenti d'élèves ayant "bénéficié" d'un système d'enseignement particulièrement inégalitaire (à Bruxelles) lorsqu'ils décrouvrent un système nettement plus égalitaire (en Finlande)&colon Chicago Finland.e D'Broej https&colon//www.youtube.com/watch&questv&equalsqwKXocwjuvA

[3] Analyses des systèmes d’enseignement&colon enquête OCDE PISA http&colon//www.oecd.org/pisa/keyfindings/pisa&dash2012&dashresults&dashoverview&dashFR.pdf, conférence TED de Andreas Schleicher https&colon//www.ted.com/talks/andreas_schleicher_use_data_to_build_better_schools; réseau européen EURYDICE https&colon//webgate.ec.europa.eu/fpfis/mwikis/eurydice/index.php/Main_Page


Les auteurs

Jean&dashMarc Sparenberg, Université libre de Bruxelles, Belgique
Jennifer Valcke, Karolinska Institutet, Suède
Frank&dashUwe Schwarz, Belgique