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Au président de la République de Pologne: une loi liberticide
Jean-Yves P.
a lancé une pétition à destination de
Le président de la République de Pologne
Le Parlement
polonais vient d’adopter une loi qui
menace de trois ans de prison toute personne qui «
attribue à la
République de Pologne et à la Nation polonaise, publiquement et contrairement à
la réalité des faits, la responsabilité ou la coresponsabilité de crimes nazis
perpétrés par le IIIe Reich allemand
». Elle prend prétexte de
l’utilisation, effectivement inexacte, de l’expression « camp polonais de
la mort » pour stigmatiser tous ceux qui travaillent et réfléchissent
lucidement sur les passés douloureux de la Pologne. En fait la loi menace
surtout les spécialistes de sciences sociales qui, depuis une quinzaine
d’années, ont souligné un aspect peu connu de la Shoah, à savoir certains
comportements des populations polonaises à l’égard de leurs concitoyens et
voisins juifs (indifférence, dénonciation, pogroms, meurtres). La recherche
historique polonaise a pourtant confirmé sur ces points les témoignages des
rescapés de la Shoah.
Nier cette
« réalité des faits », c’est revenir sur l’acquis d’un débat porté
par des grandes voix comme Marek Edelman, Jan Błoński ou Władysław
Bartoszewski, c’est contredire les positions adoptées par tous les présidents
de la République de Pologne depuis 1990 à propos des pogroms de Jedwabne (1941)
et de Kielce (1946), c’est nier les travaux de très nombreux historiens en
Pologne et dans le monde, c’est une insulte à la mémoire des rescapés du
génocide.
Reconnaître
cette réalité ne signifie pas ignorer ou sous‐estimer les souffrances des Polonais
non‐juifs sous l’occupation nazie, ni minimiser le courage et l’héroïsme des
milliers de Justes polonais qui aidèrent et sauvèrent des Juifs. C’est tout
simplement reconnaître que l’histoire de la nation polonaise, comme de toutes
les nations, a sa part sombre, et qu’il faut l’examiner. C’est transmettre aux
nouvelles générations un regard clairvoyant sur son passé.
Cette loi
liberticide vise à intimider les universitaires, à les pousser vers des
domaines moins conflictuels, plus conformes à « l’intérêt national
polonais », faute de quoi ils seraient traînés devant les tribunaux comme
en a été menacé l’universitaire américain Jan T. Gross en 2017. Contrairement à
ce qu’affirment les autorités polonaises, la loi n’épargne ni les chercheurs ni
les artistes. Au pénal, un article publié dans une revue scientifique ne sera
pas mis en cause, mais le même article paraissant dans la presse sous une forme
vulgarisée le sera. Un « détail » diabolique se cache aussi dans
cette loi : au civil, l’Institut de la Mémoire nationale, ainsi que toute
association habilitée (une association d’anciens combattants par exemple)
pourront poursuivre n’importe qui, y compris l’auteur d’un article
scientifique, s’ils jugent que leurs intérêts (atteinte à la mémoire par
exemple) sont en cause.
Les autorités
polonaises sont de plus en plus invasives dans le champ de la recherche. Nous
nous joignons aux cent intellectuels polonais qui appellent le législateur à
reculer., et aux 350 premiers signataires de ce texte. On ne se souvient que trop de ce qu’a été l’ingérence d’acteurs
politiques dans l’écriture de l’histoire en Pologne au XXème siècle.
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