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L’Etat sacrifie les projets scientifiques et contourne son agence spatiale nationale

L’Etat sacrifie les projets scientifiques et contourne son agence spatiale nationale

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Damien D.
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Gouvernement français

Depuis 2020, le Président de la République a rompu avec une vision multi-décennale impulsée par le Général de Gaulle en rattachant le spatial au Ministère de l’Economie et des Finances plutôt qu’à celui de la Recherche. Il est important de comprendre la logique qui sous-tend cette nouvelle organisation au niveau de l’Etat et les conséquences – graves - qu’elle produit. Les investissements que la France met au service de l’Espace doivent désormais répondre à des enjeux de compétitivité industrielle plutôt qu’à la réponse à des besoins sociétaux (science fondamentale, climat, accès à l’espace). Notre nouveau ministre principal de tutelle, Bruno Le Maire, a ainsi déclaré le 6 décembre 2021 que « le président de la République a rompu avec des décennies dans lesquelles nous avons considéré que l'espace était uniquement de la recherche pas forcément appliquée, que cela appartenait uniquement au monde de la science » et que « cette erreur-là, nous l’avons payée très cher ».

Cette phrase illustre la méconnaissance que notre nouvelle tutelle a de l’histoire du spatial en France. Mais elle montre surtout le changement complet de vision auquel nous faisons face aujourd’hui. L’Espace deviendrait avant tout un marché à conquérir, et un terreau pour de futures « licornes », c’est-à-dire des startups dont la valorisation dépasse 5 milliards d’euros. Nous disons ici que ce changement concerne tous les Français, car c’est leur argent qui subventionne ces acteurs du « New Space » dont l’ambition principale est de gonfler leur valorisation pour être rachetées. Nous sommes au premier plan pour observer comment ce soutien se décline pratiquement et pouvons en témoigner. Les deniers publics sont aujourd’hui dépensés, non plus pour soutenir des projets muris de longue date et ayant vocation à répondre à des enjeux scientifiques et sociétaux d’importance, mais pour soutenir des start-up sur la base de concepts parfois peu sérieux et sans vision stratégique de long terme.

D’abord, il convient de rappeler que le CNES n’a jamais opposé les projets scientifiques au soutien à la compétitivité industrielle. C’est même tout le contraire que montre son histoire. Depuis toujours, c’est le métier du CNES que d’innover et d’ensemencer le tissu industriel français. En symbiose avec l’excellent réseau scientifique national, le CNES travaille à la mise au point de concepts audacieux et en démontre la faisabilité. Il est dans son essence même d’être en capacité de prendre les risques que l’industrie ne peut pas prendre. Il est aussi dans l’essence du CNES de transférer le fruit de ces prises de risque au tissu industriel national, pour maintenir et améliorer sa compétitivité.

Dès 1982, le CNES créait la société privée Spot Image (dans le jargon d’aujourd’hui on appellerait cela une « startup »). Spot Image avait vocation à distribuer les images du tout nouveau satellite SPOT, révolutionnaire pour son époque.Devenu Airbus Defence and Space Geo, cette entreprise est aujourd’hui le leader mondial de la distribution d’informations géostratégiques. Porté par le CNES avec les programmes successifs SPOT 2, 3, 4, 5, puis Pléiades 1 et 2, Spot Image vole aujourd’hui de ses propres ailes, capable maintenant de développer sur fonds propres les satellites SPOT 6 et Pléiades-Neo.

En 1986, le CNES créait CLS, une autre startup. En 2022, CLS est un leader mondial dans l’aide à la pêche et la surveillance maritime. Après avoir développé et mis en orbite le nano-satellite précurseur Angels, le CNES est à l’origine de la création en 2019, avec CLS, de la startup KINEIS qui exploite les acquis d’Angels pour développer une flotte de 25 nano-satellites de connectivité dédiée à l’Internet des Objets.

Dans le domaine des lanceurs, après les échecs du lanceur Europa, c’est le CNES qui, fort de son expérience sur le lanceur Diamant, a proposé et assuré la maitrise d’œuvre des programmes Ariane de 1973 jusqu’en 2014. On peut souligner la rapidité des développements (6 ans pour Ariane1) et le succès de cette filière. La création d’Arianespace puis d’AGS, qui porte aujourd’hui la maitrise d’œuvre d’Ariane 6, résulte de l’action du CNES qui a su innover mais aussi soutenir et fédérer un tissu industriel européen.

En liaison avec le monde académique, le CNES poursuit par ailleurs une politique de formation des étudiants aux techniques du spatial. Le satellite étudiant Eyesat, développé par un groupe d’étudiants sous la supervision du CNES, a été lancé en 2019. En 2018, une partie des étudiants de ce groupe créait la startup U-Space (sur des nano-satellites de la classe « 3U à 12U »), qui se développe aujourd’hui avec un soutien continu du CNES.   Sur le plan de la compétitivité industrielle soulignons que l’industrie spatiale française n’existait pas en décembre 1961, date de la création du CNES. En 2022, les deux leaders mondiaux dans le secteur des télécommunications spatiales sont français (Thales et Airbus). C’est le résultat du soutien continu du CNES, et de l’excellence des ingénieurs du spatial des secteurs public et privé, qui travaillent ensemble.

Il est important que ce contexte soit bien perçu, pour comprendre à quel point l’attitude de défiance et de mépris envers le CNES de la nouvelle tutelle, Bercy, n’est rien moins que scandaleuse. En effet, les choix faits ces 18 derniers mois montrent que ce qui est souhaité par le gouvernement, c’est de distribuer de l’argent public à des industriels –de préférence des startups – pour soutenir des initiatives plus ou moins sérieuses techniquement mais sans jamais de vision à long terme, et sans s’appuyer sur le savoir-faire et les compétences du CNES pour définir une feuille de route ou sélectionner les projets éligibles. C’est ce que nous observons amèrement pour le plan de relance actuellement en cours de déploiement. Sous le nom de France 2030, il porte pour son volet spatial le montant gigantesque de 1.5 milliards d’euros, à dépenser sur trois à cinq ans pour l’essentiel dans le secteur du Newspace. Bercy a décidé de confier l’exécution de ce plan à la Banque Publique d’Investissement (Bpifrance), et non au bras technique de l’Etat dans le domaine spatial, le CNES. Contrairement aux « éléments de langage » dispensés ces derniers mois, nous faisons le constat que le CNES n’est que très marginalement associé. Le processus de sélection des projets consiste à réunir des « Personnalités Qualifiées » (non CNES) en jury, pour statuer en quelques heures sur des subventions de plusieurs millions d’euros. Cela ne permet évidemment qu’une analyse superficielle des dossiers par nature complexes, et prive la puissance publique de l’expertise du CNES, pourtant reconnue mondialement. Les banquiers prennent le pas sur les ingénieurs.

De fait, cette manne d’argent public rentre, de fait, directement en concurrence avec les investissements nécessaires pour financer les projets scientifiques et sociétaux de demain. Car, dans le même temps, les budgets disponibles pour engager de nouveaux projets en Observation de la Terre comme en Science de l’Univers et pour préparer les lanceurs spatiaux du futur sont quasiment nuls jusqu’à l’horizon 2025. En outre, la France s’apprête à diminuer sa part de financement aux projets de l’Agence Spatiale Européenne à un niveau historiquement bas. C’est donc un appauvrissement généralisé des projets spatiaux scientifiques, à l’échelle nationale et européenne, qui s’organise. Les collaborations bilatérales de long terme avec d’autres agences spatiales (Etats-Unis, Japon, etc.) sont également menacées.

C’est aussi la question même de l’existence d’une agence spatiale nationale qui est posée par ce changement de politique. Un exemple l’illustre : le Contrat d’Objectifs et de Performances (COP), qui régit les relations du CNES avec ses tutelles. Si le nouveau COP présente le CNES de manière flatteuse, il est nécessaire de le lire attentivement pour constater que se cache derrière ces flatteries l’exigence d’une nouvelle orientation majeure. Selon Bercy le CNES doit se contenter de passer des contrats dans l’industrie (et cesser de faire par lui-même), surtout sans énoncer de spécifications trop précises, et en faisant superviser tout cela par un « cabinet indépendant » (sic), comprendre un consultant privé !

Le CNES, et à travers lui l’avenir du spatial français, est ainsi la victime de l’orientation idéologique d’un gouvernement qui le pousse à devenir une agence de financement dont le rôle se résumerait, au mieux, à distribuer sans contrôle des subventions et, au pire, à vaguement conseiller des organismes techniquement incompétents en charge de verser les susdites subventions.

Cette logique visant à soutenir des initiatives privées sans vision de long terme et, sans s’appuyer sur les compétences acquises de longue date dans des organismes publics, est à l’œuvre dans d’autres secteurs. Mais quand elle touche au domaine de l’Espace, qui, par son histoire, est la source des principales révolutions technologiques du siècle dernier et qui, par sa nature, est l’objet de rêves des petits comme des plus grands, l’écœurement touche à la nausée. La France a acquis une place forte et singulière dans ce domaine sur la scène internationale depuis plus de 50 ans. Et nous savons que le CNES n’est pas étranger à ce succès. Mais nous gageons que les orientations que nos tutelles nous imposent fragilisent fortement la place de la France, et ce à très court terme. Pour cette raison, les salariés du CNES ont commencé un mouvement de contestation sociale, ce qui est inédit. Nous en appelons à tous les citoyens pour que chacun s’empare de cette question, qui nous concerne tous.
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